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Publié le par dicoamoureuxduvinsudaf

Dalla Cia Giorgio

Giorgio-Dalla-Cia-2.jpg    Hier encore, un client s'extasiait devant la magnificence des domaines viticoles de la région. Il revenait de Vergelegen. Effectivement, comment ne pas être ébloui par ces vieilles maisons de style Cape Dutch ou ces architectures modernes comme à Asara? 

Difficile de se lasser de ces belles salles de dégustation, de ces restaurants au milieu des vignes, et pourtant...

Ces derniers temps, j'ai décliné bien des invitations des uns et des autres à visiter un nouveau vignoble ou un "ancien qui a ouvert un nouveau restaurant". Ces endroits finissent par tous se ressembler, conduits par une même politique marketing.

Je ferai certainement la même chose à leur place. Associer le vignoble au bien être avec un bon restaurant, une belle vue sur les montagnes alentours et pourquoi pas, un spa, avec le wifi bien sûr.

On peut regretter qu'à force de soigner l'image, "l'emballage", on en oublie le vin, ce produit particulier.

Un journaliste sud-africain, Dave March, a sorti la semaine dernière un article intitulé "Souhaiteriez-vous un peu de Pinot Noir avec votre Chardonnay?"

L'auteur y explique ce qu'il lui est arrivé lors d'une dégustation sur un vignoble prestigieux de la région. Lui ayant servi un Chardonnay, la "vendeuse" ("tasting room staff") lui demande s'il souhaite passer aux rouges et commencer par un Pinot Noir (à R 200.00 la bouteille). Avant qu'il ne puisse réagir, elle verse le fameux Pinot Noir dans le verre où il restait un bon centimètre de Chardonnay.

Sans faire une apologie béate du (bon) vin, celui-ci mérite un minimum de considération.

Sa confection nécessite des connaissances techniques mais surtout une culture du goût.

Au delà de l'anecdote du Pinot Noir dans le Chardonnay, je suis surpris, en Afrique du Sud, par cette absence de déférence et de références pour la "civilisation du vin".

Pourtant, la nouvelle génération, les jeunes oenologues sud-africains voyagent beaucoup. Mais rarement, en discutant avec eux, je n'ai ressenti les valeurs qui animent les amoureux du vin de "chez nous".

De Montalcino à Mollet de Peralada en passant par Gaillac, il est difficile de parler de vin sans parler de gastronomie. Cette relation est si forte que l'on se demande parfois si choix des cépages et vinification ne se font pas exclusivement en fonction des mets de la région: Corbières et cassoulet, Picpoul et huîtres de Bouzigues, Riesling et choucroute... la liste est longue.

Ici, la notion de terroir est utilisée mais dans son sens "géographique" le plus restrictif: la terre et le climat. La dimension "humaine" et culturelle en est exclue.

 

J'en étais là de mes réflexions sur le vin en Afrique du Sud quand Jean-Louis a organisé cette rencontre avec Giorgio Dalla Cia.

Cet oenologue italien est installé en Afrique du Sud depuis près de 40 ans.

Avant d'aller à Stellenbosch, j'avais consulté sur internet les dernières interviews données par le père du fameux "Rubicon" de Meerlust.

Ces lectures laissaient présager un personnage haut en couleurs, avec quelques passages tels que "l'amour et la cuisine, le sexe et la nourriture doivent être abordés avec la même importance" ou "quand nous avons commencé à faire de la grappa, la seule chose que l'on trouvait en Afrique du Sud était bon marché et mauvais. Nous avons éduqué les consommateurs (avec de la bonne grappa)"

J'étais donc impatient de rencontrer cet Italien qui, dans le même article, déclarait que les vins français étaient, pour lui, "la" référence.

 

Rendez-vous avait été pris au restaurant familial, le Pane E Vino, un "Italian food and wine bar".

Jean-Louis avait amené deux échantillons de ses grappa et poire william pour avoir l'avis du maître. On peut rêver d'un apéritif plus léger quand on n'est pas amateur d'alcools forts.

La dégustation qu'en fit Monsieur Dalla Cia fut intéressante, avec plusieurs étapes: mise en bouche de l'eau de vie pure, puis mélangée avec de l'eau (j'ai pensé à Gilbert Cassini et son whisky). Et enfin, recherche des arômes... une fois le verre d'eau de vie vide.

Nous sommes passés ensuite à table après un petit détour chez l'antiquaire d'à côté.

Nous avons passé un peu plus de deux heures à discuter de toutes ces choses qui "doivent être abordées avec la même importance", le sexe mis à part.

Tout en dégustant un Chardonnay Dalla Cia agréable, vinifié Chablis, Giorgio nous a expliqué son amour pour le vin français.

Nous avons ensuite goûté son Cabernet Sauvignon et l'oenologue m'a peut-être permis de mettre un nom sur un arôme que je connaissais sans être capable de le définir: l'arôme "boite à cigare".

Tout le reste n'a été que culture et il serait trop long de raconter ici toutes les passions de Monsieur Dalla Cia qui "collectionne les collections".

Nous avons terminé l'après-midi chez lui.

Les murs de la petite maison sont tapissés de tableaux, de masques et statues africains. Des vitrines regorgent d'objets anciens et l'homme prend du plaisir à expliquer la provenance, la spécificité de chaque pièce.

 

Je me souviendrai longtemps de cette belle journée placée sous le signe du partage, en toute simplicité.

 

Publié dans Dictionnaire

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